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On a tout dit sur l’événement politique et moral de cette enthousiasmante cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, alliant diversité et républicanisme : rien que l’indignation qu’a suscitée la fête dans les rangs de l’extrême droite et chez les habituels penseurs réactionnaires suffirait à nous réjouir. Mais l’enjeu de cette cérémonie fut aussi l’affichage d’une continuité entre la culture patrimoniale et les industries culturelles et créatives, et d’une transformation du concept même de culture.
Dans la scène emblématique et jubilatoire où Aya Nakamura et ses danseuses, toutes d’or vêtues, surgissent de l’Institut de France, et chantent et dansent accompagnées par la garde républicaine, il n’y a pas seulement l’expression touchante d’un respect mutuel (les pas de danse des militaires et le salut final des femmes) ; certainement pas un « en même temps » politique baroque fusionnant modernité et conservatisme ; il y a une expression commune, et une position esthétique nouvelle. Il y a une revendication d’égalité culturelle.
La cérémonie, très majoritairement aimée par la population française et au-delà, est comme un prolongement direct du second tour des élections législatives, voire un troisième tour esthétique qui marque le rejet de l’extrême droite et d’une certaine vision de la France, de la culture et de ses hiérarchies. Sa réception est comme un rappel de la résistance de la société française à la victoire politique annoncée (et reportée) de l’extrême droite.
La fête inaugurale a mis à l’honneur un pays où les plus grandes stars sont des enfants de l’immigration ou des outre-mer : Jamel Debbouze et Zinédine Zidane pour lancer le show, Marie-José Pérec et Teddy Riner pour le final de la vasque olympique. Elle a transgressé les normes du genre et du validisme de façon constante, en conviant, aux côtés de ces stars, des athlètes des Jeux paralympiques et un centenaire en fauteuil roulant, quelques minutes après l’interprétation en « chansigne » par Shaheem Sanchez, malentendant, du tube disco Supernature. Le disco, gloire française, était d’ailleurs à l’honneur toute la soirée – tout comme l’électro, le metal, les talents des films animés ou des jeux vidéo. Des milliers d’artistes et de danseurs ont illustré un catalogue qui juxtaposait classique (deux étoiles de l’Opéra de Paris) et ultracontemporain, music-hall, hip-hop et autres styles urbains.
C’est toute la gamme des industries culturelles et créatives qui était ainsi illustrée et saluée pour la première fois, dans un monde où elles sont à la fois exceptionnellement innovantes et reconnues, et tenues à l’écart du « grand art ». Façon de montrer que c’est aussi par la fierté de formes de culture alternative, devenue populaire puis « classique », que l’on peut célébrer la culture française. Comme avec la présence de Rim’K du 113, auteur de la chanson emblématique Tonton du bled, hymne pour les familles issues de l’immigration, en même temps qu’un élément esthétique qui a dépassé son univers de départ pour composer, déjà, un pan de la culture nationale.
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